法语小说阅读:包法利夫人(31)
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2020-08-12 01:20
编辑: 欧风网校
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法语小说阅读:包法利夫人(31)
TROISIEME PARTIE
VIII.
Elle se demandait tout en marchant : " Que vais-je dire ? Par où commencerai-je ? " Et, à mesure qu'elle avan ait, elle reconnaissait les buissons, les arbres, les joncs marins sur la colline, le chateau là-bas. Elle se retrouvait dans les sensations de sa première tendresse, et son pauvre coeur comprimé s'y dilatait amoureusement. Un vent tiède lui soufflait au visage ; la neige, se fondant, tombait goutte à goutte des bourgeons sur l'herbe.
Elle entra, comme autrefois, par la petite porte du parc, puis arriva à la cour d'honneur, que bordait un double rang de tilleuls touffus. Ils balan aient, en sifflant, leurs longues branches. Les chiens au chenil aboyèrent tous, et l'éclat de leurs voix retentissait sans qu'il par t personne.
Elle monta le large escalier droit, à balustres de bois, qui conduisait au corridor pavé de dalles poudreuses où s'ouvraient plusieurs chambres à la file, comme dans les monastères ou les auberges. La sienne était au bout, tout au fond, à gauche. Quand elle vint à poser les doigts sur la serrure, ses forces subitement l'abandonnèrent. Elle avait peur qu'il ne f t pas là, le souhaitait presque, et c'était pourtant son seul espoir, la dernière chance de salut. Elle se recueillit une minute, et, retrempant son courage au sentiment de la nécessité présente, elle entra.
Il était devant le feu, les deux pieds sur le chambranle, en train de fumer une pipe.
-- Tiens ! c'est vous ! dit-il en se levant brusquement.
-- Oui, c'est moi !... je voudrais, Rodolphe, vous demander un conseil.
Et, malgré tous ses efforts, il lui était impossible de desserrer la bouche.
-- Vous n'avez pas changé. Vous êtes toujours charmante !
-- Oh ! reprit-elle amèrement, ce sont de tristes charmes, mon ami, puisque vous les avez dédaignés.
Alors il entama une explication de sa conduite, s'excusant en termes vagues, faute de pouvoir inventer mieux.
Elle se laissa prendre à ses paroles, plus encore à sa voix et par le spectacle de sa personne ; si bien qu'elle fit semblant de croire, ou crut-elle peut-être, au prétexte de leur rupture ; c'était un secret d'où dépendaient l'honneur et même la vie d'une troisième personne.
-- N'importe ! fit-elle en le regardant tristement, j'ai bien souffert !
Il répondit d'un ton philosophique :
-- L'existence est ainsi !
-- A-t-elle du moins, reprit Emma, été bonne pour vous depuis notre séparation ?
-- Oh ! ni bonne... ni mauvaise.
-- Il aurait peut-être mieux valu ne jamais nous quitter.
-- Oui..., peut-être !
-- Tu crois ? dit-elle en se rapprochant.
Et elle soupira :
-- Rodolphe ! Si tu savais !... je t'ai bien aimé !
Ce fut alors qu'elle prit sa main, et ils restèrent quelque temps les doigts entrelacés, -- comme le premier jour, aux Comices ! Par un geste d'orgueil, il se débattait sous l'attendrissement. Mais, s'affaissant contre sa poitrine, elle lui dit :
-- Comment voulais-tu que je vécusse sans toi ? On ne peut pas se déshabituer du bonheur ! J'étais désespérée ! J'ai cru mourir ! Je te conterai tout cela, tu verras. Et toi, tu m'as fuie !...
Car, depuis trois ans, il l'avait soigneusement évitée, par suite de cette lacheté naturelle qui caractérise le sexe fort ; et Emma continuait avec des gestes mignons de tête, plus caline qu'une chatte amoureuse :
-- Tu en aimes d'autres, avoue-le. Oh ! je les comprends, va ! je les excuse ; tu les auras séduites, comme tu m'avais séduite. Tu es un homme, toi ! tu as tout ce qu'il faut pour te faire chérir. Mais nous recommencerons, n'est-ce pas ? Nous nous aimerons ! Tiens, je ris, je suis heureuse !... parle donc !
Et elle était ravissante à voir, avec son regard où tremblait une larme, comme l'eau d'un orage dans un calice bleu.
Il l'attira sur ses genoux, et il caressait du revers de la main ses bandeaux lisses, où, dans la clarté du crépuscule, miroitait comme une flèche d'or un dernier rayon du soleil. Elle penchait le front ; il finit par la baiser sur les paupières, tout doucement, du bout de ses lèvres.
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