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法语阅读:追忆似水年华56

掌握这些知识,攻克TestDaF5级

来源:网络 2020-06-28 02:46 编辑: 欧风网校 232

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摘要: 法语阅读:追忆似水年华56

Ce n'était pas, d'ailleurs, très souvent qu'il m'arrivait de rencontrer M. de Charlus et Morel. Souvent ils étaient déjà entrés dans la boutique de Jupien quand je quittais la duchesse, car le plaisir que j'avais auprès d'elle était tel que j'en venais à oublier non seulement l'attente anxieuse qui précédait le retour d'Albertine, mais même l'heure de ce retour.



Je mettrai à part, parmi ces jours où je m'attardai chez Mme de Guermantes, un qui fut marqué par un petit incident dont la cruelle signification m'échappa entièrement et ne fut comprise par moi que longtemps après. Cette fin d'après-midi-là, Mme de Guermantes m'avait donné, parce qu'elle savait que je les aimais, des seringas venus du Midi. Quand, ayant quitté la duchesse, je remontai chez moi, Albertine était rentrée ; je croisai dans l'escalier Andrée, que l'odeur si violente des fleurs que je rapportais sembla incommoder.

Comment, vous êtes déjà rentrées ? lui dis-je. – Il n'y a qu'un instant, mais Albertine avait à écrire, elle m'a renvoyée. – Vous ne pensez pas qu'elle ait quelque projet blamable ? – Nullement, elle écrit à sa tante, je crois, mais elle qui n'aime pas les odeurs fortes ne sera pas enchantée de vos seringas. – Alors, j'ai eu une mauvaise idée ! Je vais dire à Fran oise de les mettre sur le carré de l'escalier de service. – Si vous vous imaginez qu'Albertine ne sentira pas après vous l'odeur de seringa. Avec l'odeur de la tubéreuse, c'est peut-être la plus entêtante ; d'ailleurs je crois que Fran oise est allée faire une course. – Mais alors, moi qui n'ai pas aujourd'hui ma clef, comment pourrai-je rentrer ? – Oh ! vous n'aurez qu'à sonner. Albertine vous ouvrira. Et puis Fran oise sera peut-être remontée dans l'intervalle.

Je dis adieu à Andrée. Dès mon premier coup Albertine vint m'ouvrir, ce qui fut assez compliqué, car, Fran oise étant descendue, Albertine ne savait pas où allumer. Enfin elle put me faire entrer, mais les fleurs de seringa la mirent en fuite. Je les posai dans la cuisine, de sorte qu'interrompant sa lettre (je ne compris pas pourquoi), mon amie eut le temps d'aller dans ma chambre, d'où elle m'appela, et de s'étendre sur mon lit. Encore une fois, au moment même, je ne trouvai à tout cela rien que de très naturel, tout au plus d'un peu confus, en tous cas d'insignifiant. Elle avait failli être surprise avec Andrée et s'était donné un peu de temps en éteignant tout, en allant chez moi pour ne pas laisser voir son lit en désordre, et avait fait semblant d'être en train d'écrire. Mais on verra tout cela plus tard, tout cela dont je n'ai jamais su si c'était vrai. En général, et sauf cet incident unique, tout se passait normalement quand je remontais de chez la duchesse. Albertine ignorant si je ne désirais pas sortir avec elle avant le d ner, je trouvais d'habitude dans l'antichambre son chapeau, son manteau, son ombrelle qu'elle y avait laissés à tout hasard. Dès qu'en entrant je les apercevais, l'atmosphère de la maison devenait respirable. Je sentais qu'au lieu d'un air raréfié, le bonheur la remplissait. J'étais sauvé de ma tristesse, la vue de ces riens me faisait posséder Albertine, je courais vers elle.

Les jours où je ne descendais pas chez Mme de Guermantes, pour que le temps me semblat moins long durant cette heure qui précédait le retour de mon amie, je feuilletais un album d'Elstir, un livre de Bergotte, la sonate de Vinteuil.

Alors, comme les uvres mêmes qui semblent s'adresser seulement à la vue et à l'ou e exigent que pour les go ter notre intelligence éveillée collabore étroitement avec ces deux sens, je faisais, sans m'en douter, sortir de moi les rêves qu'Albertine y avait jadis suscités quand je ne la connaissais pas encore, et qu'avait éteints la vie quotidienne. Je les jetais dans la phrase du musicien ou l'image du peintre comme dans un creuset, j'en nourrissais l' uvre que je lisais. Et sans doute celle-ci m'en paraissait plus vivante. Mais Albertine ne gagnait pas moins à être ainsi transportée de l'un des deux mondes où nous avons accès et où nous pouvons situer tour à tour un même objet, à échapper ainsi à l'écrasante pression de la matière pour se jouer dans les fluides espaces de la pensée. Je me trouvais tout d'un coup et pour un instant pouvoir éprouver, pour la fastidieuse jeune fille, des sentiments ardents. Elle avait à ce moment-là l'apparence d'une uvre d'Elstir ou de Bergotte, j'éprouvais une exaltation momentanée pour elle, la voyant dans le recul de l'imagination et de l'art.

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