法语阅读:追忆似水年华57
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来源:网络
2020-04-18 00:32
编辑: 欧风网校
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法语阅读:追忆似水年华57
J'avais promis à Albertine que, si je ne sortais pas avec elle, je me mettrais au travail ; mais le lendemain, comme si, profitant de nos sommeils, la maison avait miraculeusement voyagé, je m'éveillais par un temps différent, sous un autre climat. On ne travaille pas au moment où on débarque dans un pays nouveau, aux conditions duquel il faut s'adapter. Or chaque jour était pour moi un pays différent. Ma paresse elle-même, sous les formes nouvelles qu'elle revêtait, comment l'eussé-je reconnue ?
Tant t, par des jours irrémédiablement mauvais, disait-on, rien que la résidence dans la maison, située au milieu d'une pluie égale et continue, avait la glissante douceur, le silence calmant, l'intérêt d'une navigation ; une autre fois, par un jour clair, en restant immobile dans mon lit, c'était laisser tourner les ombres autour de moi comme d'un tronc d'arbre.
D'autres fois encore, aux premières cloches d'un couvent voisin, rares comme les dévotes matinales, blanchissant à peine le ciel sombre de leurs giboulées incertaines que fondait et dispersait le vent tiède, j'avais discerné une de ces journées tempétueuses, désordonnées et douces, où les toits, mouillés d'une ondée intermittente que sèchent un souffle ou un rayon, laissent glisser en roucoulant une goutte de pluie et, en attendant que le vent recommence à tourner, lissent au soleil momentané qui les irise leurs ardoises gorge-de-pigeon ; une de ces journées remplies par tant de changements de temps, d'incidents aériens, d'orages, que le paresseux ne croit pas les avoir perdues parce qu'il s'est intéressé à l'activité qu'à défaut de lui l'atmosphère, agissant en quelque sorte à sa place, a déployée ; journées pareilles à ces temps d'émeute ou de guerre, qui ne semblent pas vides à l'écolier délaissant sa classe parce que, aux alentours du Palais de Justice ou en lisant les journaux, il a l'illusion de trouver dans les événements qui se sont produits, à défaut de la besogne qu'il n'a pas accomplie, un profit pour son intelligence et une excuse pour son oisiveté ; journées auxquelles on peut comparer celles où se passe dans notre vie quelque crise exceptionnelle et de laquelle celui qui n'a jamais rien fait croit qu'il va tirer, si elle se dénoue heureusement, des habitudes laborieuses ; par exemple, c'est le matin où il sort pour un duel qui va se dérouler dans des conditions particulièrement dangereuses ; alors, lui appara t tout d'un coup, au moment où elle va peut-être lui être enlevée, le prix d'une vie de laquelle il aurait pu profiter pour commencer une uvre ou seulement go ter des plaisirs, et dont il n'a su jouir en rien. Si je pouvais ne pas être tué, se dit-il, comme je me mettrais au travail à la minute même, et aussi comme je m'amuserais.
La vie a pris en effet soudain, à ses yeux, une valeur plus grande, parce qu'il met dans la vie tout ce qu'il semble qu'elle peut donner, et non pas le peu qu'il lui fait donner habituellement. Il la voit selon son désir, non telle que son expérience lui a appris qu'il savait la rendre, c'est-à-dire si médiocre ! Elle s'est, à l'instant, remplie des labeurs, des voyages, des courses de montagnes, de toutes les belles choses qu'il se dit que la funeste issue de ce duel pourra rendre impossibles, alors qu'elles l'étaient avant qu'il f t question de duel, à cause des mauvaises habitudes qui, même sans duel, auraient continué. Il revient chez lui sans avoir été même blessé, mais il retrouve les mêmes obstacles aux plaisirs, aux excursions, aux voyages, à tout ce dont il avait craint un instant d'être à jamais dépouillé par la mort ; il suffit pour cela de la vie. Quant au travail – les circonstances exceptionnelles ayant pour effet d'exalter ce qui existait préalablement dans l'homme, chez le laborieux le labeur et chez l'oisif la paresse, – il se donne congé.
Je faisais comme lui, et comme j'avais toujours fait depuis ma vieille résolution de me mettre à écrire, que j'avais prise jadis, mais qui me semblait dater d'hier, parce que j'avais considéré chaque jour l'un après l'autre comme non avenu. J'en usais de même pour celui-ci, laissant passer sans rien faire ses averses et ses éclaircies et me promettant de commencer à travailler le lendemain. Mais je n'y étais plus le même sous un ciel sans nuages ; le son doré des cloches ne contenait pas seulement, comme le miel, de la lumière, mais la sensation de la lumière et aussi la saveur fade des confitures (parce qu'à Combray il s'était souvent attardé comme une guêpe sur notre table desservie). Par ce jour de soleil éclatant, rester tout le jour les yeux clos, c'était chose permise, usitée, salubre, plaisante, saisonnière, comme tenir ses persiennes fermées contre la chaleur.
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